La crise sanitaire de la Covid-19 impacte fortement le secteur touristique. Elle rebat d’ores et déjà les cartes de l’activité touristique. Si le XXe siècle a été celui du tourisme de masse, le XXIe siècle pourrait être celui d’un tourisme durable, plus raisonné, plus local. Quelles sont les manifestations de cette transition sur les professionnels azuréens de cette filière ? Les Alpes-Maritimes ont-elles les capacités et les ressources pour réussir avec succès ce changement de cap ? Tour d’horizon de ces questions au cœur de l’actualité.
Tourisme durable : décryptage
Voici les grandes lignes du tourisme durable.
Les acteurs concernés
L’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) définit le tourisme durable comme une activité “qui tient pleinement compte de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs, en répondant aux besoins des visiteurs, des professionnels, de l’environnement et des communautés d’accueil”.
Le tourisme durable implique aussi bien :
- Les professionnels du tourisme. En adoptant cette démarche, ils doivent intégrer les principes du développement durable dans leur stratégie et leurs offres.
- Les voyageurs. Il en va de la responsabilité individuelle de chacun de choisir des prestataires ou des destinations en fonction de critères durables. Mais cette manière de voyager s’inscrit dans une démarche plus globale. Les touristes sont invités à adopter de bonnes pratiques : trier ses déchets, consommer local, utiliser les transports en commun…
Les différentes formes de tourisme
Le tourisme durable est souvent associé avec d’autres formes de tourisme comme :
- Le tourisme communautaire. Ce sont les populations locales qui gèrent l’accueil des touristes et prennent en charge les activités de développement touristique. Les retombées économiques profitent directement à ces communautés.
- Le tourisme équitable. ll s’inspire du commerce équitable. Les professionnels du tourisme proposent des activités élaborées et gérées en partie par les communautés locales, en limitant les intermédiaires. Les bénéfices (financiers, culturels et sociaux) des voyages équitables doivent profiter au maximum aux populations autochtones.
- Le tourisme solidaire. Il crée un lien de solidarité entre les touristes et les populations. Le voyagiste reverse une participation financière à des projets de développement locaux. L’objectif est d’améliorer les conditions de vie des autochtones.
- L’écotourisme. Les voyageurs s’inscrivent dans une démarche touristique respectueuse de l’environnement. Sensibilisés aux enjeux environnementaux et sociaux, ils pratiquent des activités en milieu naturel qui génèrent des revenus aux populations locales.
Si le tourisme durable réunit l’ensemble de ces caractéristiques, il est surtout défini par des critères de durabilité précis, directement inspiré du développement durable.
Une démarche basée sur les trois piliers du développement durable
Comme l’explique l’OMT, le tourisme durable vise à ”exploiter de façon optimum les ressources de l’environnement, respecter l’authenticité socioculturelle des communautés d’accueil et assurer une activité économique viable sur le long terme.”
Tous les professionnels de l’industrie du tourisme sont concernés : transports, hôtellerie, accueil des touristes… Pour un tourisme durable, ils doivent prendre en compte les 3 dimensions du développement durable à savoir :
- L’économie. Les activités touristiques doivent participer à une économie responsable, juste équilibre entre viabilité et principes éthiques. Le tourisme durable a pour but de garantir un réel développement économique local et une rémunération équitable des autochtones.
- Le social. Les projets touristiques doivent inclure la dimension sociale : favoriser la solidarité, respecter le patrimoine culturel local, répondre à un objectif d’équité sociale, contribuer au bien-être des populations locales, intégrer les autochtones dans le développement touristique…
- L’environnement. Il s’agit de minimiser l’impact environnemental et l’empreinte carbone des activités touristiques. Mieux préserver les ressources naturelles et améliorer la gestion des déchets participent à cette démarche.
Il s’agit de donner du sens aux séjours touristiques et non plus simplement de proposer ni consommer des voyages sans se préoccuper de l’impact social, économique ou environnemental.
Tourisme durable : les Alpes-Maritimes ont une carte à jouer
Dans les Alpes-Maritimes, la filière touristique représente l’un des principaux vecteurs de croissance, soit plus de 13 millions de touristes français et étrangers, 150 000 emplois directs et indirects, 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires et environ 15 % du PIB.
La pandémie a durement impacté les professionnels du tourisme de la région tout entière. Mais cette crise sanitaire sans précédent pourrait être également un mal pour un bien : une remise en cause plus profonde et plus pérenne de la filière.
Réinventer le tourisme de demain pour le rendre plus responsable et durable, tel est le nouveau défi que les acteurs touristiques des Alpes-Maritimes s’apprêtent à relever. Non sans avoir de nombreux atouts à leur disposition.
Les incitations gouvernementales et européennes
Sur le territoire français, la prise de conscience de l’urgence et de l’intérêt à tendre vers un tourisme durable se manifeste par de nouvelles orientations gouvernementales.
En réponse à la crise sanitaire, le tourisme durable s’impose comme un véritable levier pour assurer une reprise pérenne de la filière.
Lors du comité interministériel du tourisme en mai 2020, certaines aides financières (plus d’1,3 milliards d’euros investis en fonds propres par la Caisse des Dépôts et Bpifrance) seront accordées aux professionnels. En contrepartie, ils sont incités à évoluer vers un tourisme plus responsable. L’objectif est d’encourager un modèle de tourisme plus durable, adapté à la situation actuelle et nécessaire pour l’avenir.
Sur le plan européen, la promotion du tourisme durable est également de mise, et ce depuis plusieurs années. Par exemple, le Fonds Européen de Développement Économique Régional (Feder) a financé le programme transfrontalier France-Italie baptisé Marittimo. Il a permis de développer plusieurs projets de tourisme durable (Itinera, Prometea, Smartic, Stratus, Sistina…), notamment dans les Alpes-Maritimes.
Labellisées, les offres touristiques proposées dans ce cadre réglementé valorisent la qualité plutôt que la quantité. Les valeurs de développement durable sont au cœur de ces activités de tourisme durable : respect des sites naturels remarquables, partenariats avec des chambres d’hôtes du littoral, engagement sociétal et écologique des acteurs du tourisme locaux…
La filière touristique : de nouvelles contraintes
La pandémie de Covid-19 met un coup d’arrêt au tourisme de masse, incompatible avec les règles sanitaires en vigueur et dont la profitabilité repose sur l’optimisation du remplissage (yield management).
Comme dans le reste de l’Hexagone, les professionnels du tourisme des Alpes-Maritimes rencontrent de nouvelles contraintes :
- Des mesures sanitaires strictes : distanciation sociale, port du masque…
- Une baisse du pouvoir d’achat des voyageurs potentiels.
Ils vont devoir faire preuve d’adaptabilité et d’innovation pour :
- Revoir les offres touristiques en termes d’obligations sanitaires, de coûts et de qualité.
- Répondre aux aspirations des touristes à des séjours plus “verts” et leur donner les moyens d’adopter des comportements responsables.
- Promouvoir un tourisme de proximité, comme cela a été fait avec la campagne “Cet été, les touristes c’est nous !”. Une incitation pour les Azuréens à découvrir les richesses culturelles, patrimoniales et environnementales de leur propre territoire.
Les acteurs touristiques locaux ont les moyens de réussir cette transition, notamment grâce à la richesse et au charme des territoires azuréens.
Les atouts des Alpes-Maritimes en matière de tourisme durable
Les bouleversements en cours accentuent la volonté des touristes de donner du sens à leurs voyages, de favoriser les séjours de proximité… Finies les vacances à l’empreinte carbone désastreuse, à la consommation excessive et systématique de produits importés !
Par conviction ou suite à une prise de conscience, les voyageurs aspirent à un tourisme plus responsable et durable. Nul besoin de partir dans des contrées lointaines !
Aussi bien à l’intérieur des terres (sites naturels dans l’arrière-pays) que sur le littoral, les Alpes-Maritimes et l’ensemble de la région PACA ont les atouts pour séduire les touristes locaux : patrimoine culturel, gastronomie, paysages, nautisme, œnologie…
Des parcours avec comme thématique l’agrotourisme (Routes des vins de Provence) ou le cyclotourisme se développent de manière exponentielle. Ils répondent aux enjeux du tourisme durable à savoir respecter l’environnement, consommer localement, renforcer le lien social avec des maisons d’hôtes locales, assurer des revenus aux professionnels locaux…
Et le territoire azuréen ne manque pas de ressources naturelles ni de filières (miel, truffes, figue…) pour proposer aux touristes des expériences enrichissantes. Des trésors à valoriser pour développer des activités touristiques responsables et faire un pas de plus vers un tourisme de proximité plus vertueux.
Frappé de plein fouet par la crise sanitaire, le secteur touristique est obligé de se remettre en question pour assurer la pérennité de la filière. Le tourisme durable s’impose comme le nouveau modèle de développement. Avec des ressources naturelles, culturelles et patrimoniales riches, les Alpes-Maritimes ont les moyens de s’engager dans cette activité touristique plus raisonnée, porteuse de sens, respectueuse de l’environnement et source de croissance économique pour les populations locales.
Pour faire face à l’épidémie du Coronavirus Covid-19, le plan de relance exceptionnel de 100 milliards d’euros déployé inclue 30 milliards consacrés à l’écologie afin d’économiser nos ressources naturelles, émettre moins de CO2 et protéger notre biodiversité. Bruno Lemaire, ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance proclame ainsi « Le plan de relance sera un plan vert ». Une promesse engagée en pleine adéquation avec les acteurs du tourisme durable.